25 oct. 2012

[Stratégies] Épisode XII - Poker et Shi Fu Mi







Stratégies optimales et exploitantes au poker

Extrait de Poker is War, par Yann Le Dréau, Alexis Beuve et Franck Garot. (c) Praxeo 2011



Dans cette étude, les joueurs de poker ne seront pas en reste, et je vais même vous offrir quelques pages supplémentaires extraites de Poker is War, où Yann Le Dréau nous propose un parallèle croustillant entre le poker et le shi fou mi.




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Sur la base de cette étude, Praxeo anime une conférence à l'AGILE TOUR 2012, à Paris le 20 novembre et à Montpellier le 29 novembre, sur le thème
"La stratégie du Product Owner".







[Stratégies] Épisode XI - Hive







Hive





But du jeu : capturer l’abeille adverse.

Bon, vous avez maintenant l’habitude, cette seule information suffit à classer Hive dans les systèmes de mort subite, risque de crédit.
Stratégie en retard: on se défend !

Qu’est-ce qu’un retard à Hive ? La capture de l’Abeille se fait par occupation de ses libertés (les arrêtes libres de l’hexagone). Ainsi, la stratégie est « proche » du jeu d’échecs, et la tactique « proche » du jeu de go : c’est un semeaï, une course aux libertés pour la vie ou la mort.

Hive est un jeu tellement génial que je publierai prochainement un article complet, où l’on parlera aussi de principes très spécifiques dont l’analogie avec certains jeux est troublante : des principes proches d’Othello (création de trous inaccessibles en défense) et du shogi (malheur à celui qui se retrouve fugire, sans pièces à parachuter).

Échecs, go, Othello, shogi : Hive est un jeu génial.

  • Réédité en 2011 avec un matériel pratique et de qualité, très agréable à manipuler, disponible pour 20 euros. Un grand bravo à l’éditeur, Asmodée. 
  • Disponible pour iPhone, iPad, jouable en ligne






[Stratégies] Épisode X - La prise de risque aux échecs (xiang qi)







L'évaluation de position
et la prise de risque

Application au xiang qi, échecs chinois.







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***

Voici huit pages extraites de Xiang qi, l'univers des échecs chinois (Praxeo 2009) qui m’ont vraiment impressionné et ouvert les yeux sur le raisonnement stratégique. Huit pages sans lesquelles cet essai de synthèse sur la stratégie n’aurait jamais vu le jour. Les deux premières présentent clairement la méthode d’évaluation, que nous savons plus difficile dans les systèmes de mort subite (échecs) que dans les systèmes de comptage (go), car il faut savoir quoi évaluer précisément, et cette évaluation est difficilement quantifiable à cause de la valeur infinie du roi (le général au xiang qi). Vous verrez comment l’auteur, Marc-Antoine Nguyen, arrive à la conclusion que les Rouges sont en avance.

Ensuite, en application directe de la stratégie des systèmes de mort subite, c’est justement le joueur en avance qui a intérêt à attaquer le premier, compliquer la position, générer de l’incertitude, de la complexité : c’est ce que j’ai appelé « la prise de risques ». Prise de risque parce que s’il est pratique de calculer toute la séquence dans une analyse posée, il est beaucoup plus difficile de le faire en conditions réelles de partie, avec la pression de la compétition et du temps imparti. La prise de décision est un processus précis, dont l’intuition n’est pas exempte.


***



Qu’est-ce qu’une prise de risque aux échecs, ou ici au xiang qi ? 

Dans l’exemple proposé, Rouge constate qu’il a accuse un retard de développement d’un chariot (une tour), qui n’est pas encore activé. N’importe quel joueur intermédiaire développerait ce chariot sans se poser de question, à fortiori sans bagage stratégique. Mais étant globalement en avance, Rouge se demande judicieusement si son avantage positionnel global ne compenserait pas le retard de développement du chariot. Peut-il attaquer tout de suite ? Si ça fonctionne, son adversaire devra encaisser l’offensive sans avoir pu la préparer. Si ça échoue, étant donné le niveau des joueurs, il ne fait nul doute que Noir convertira l’erreur de jugement de Rouge à son avantage.

Les deux premières pages impressionnent, je trouve, par la limpidité de la réflexion stratégique. Ensuite, pages 244 – 251, on transforme le risque en calcul exhaustif de variantes. Une étape fastidieuse impossible à réaliser à niveau intermédiaire en situation réelle, mais qui valide les bons fondements du problème : l’analyse technique (complexe) est au service du raisonnement stratégique (simple). Toutefois, sans connaissance du processus de décision stratégique, il eut été tout simplement impossible d’imaginer le premier coup de la séquence.

*** À lire absolument, par les joueurs d’échecs en priorité, puis tous les stratèges postulants, même si vous ne comprenez rien à la notation des coups et si vous ne savez même pas reconnaître les pièces. ***

Note sur la méthode d’évaluation positionnelle 

À l’attention des joueurs d’échecs :

  • On retrouve dans la position de xiang qi proposée une configuration comparable à la partie d’échecs de Max Euwe (Épisode IX) qui, après avoir évalué un avantage positionnel dès l’ouverture, s’est permis de lancer l’attaque avant la fin de son développement.
  • Au xiang qi, plusieurs éléments positionnels sont quantifiables, ce qui n’est pas le cas aux échecs (pas sous cette forme en tous cas). Au-delà de la simple (simpliste ?) valeur statique du matériel, le xiang qi attribue des valeurs opérationnelles à des « combinaisons », comme des bombardes doublées ou des chevaux connectés. 
  • Par analogie, tout cela est un peu l’équivalent des critères positionnels d’Aaron Nimzowitch dans Mon système : tour sur la colonne ouverte, pions doublés, chaînes de pions, pion passé isolé, pions passés protégés, paire de fous, accès à la septièmes rangée, etc. 

C’est après avoir lu ces pages avant la parution du livre que la championne d’échecs Almira Skripchenko à signé ainsi la couverture :



  • Les deux premières pages qui suivent présentent les étapes d’évaluation et de décision. 
  • Les six suivantes sont purement calculatoires : elles valident la décision par une analyse complète de toutes les branches. C’est un arbre de multiples lignes de jeu dont la profondeur atteint jusqu’à quatorze coups. 


Pour atteindre un niveau de Grand-Maître International, il faut peut-être pouvoir calculer l’arbre entier pendant la partie. Je ne sais pas si le joueur Rouge y est parvenu, je pense que oui. Mais ce qui est important, c’est la décision proposée, qui est très simple : P5+1 : le pion central avance d’une case. On décide simplement d’ouvrir le jeu sans retour possible, de lancer l’attaque avant la fin du développement, le plus simplement du monde, sans coup tactique difficile, sans sacrifice façon Mikhaïl Tal. Par conséquent, le but de l’exercice pédagogique, au niveau intermédiaire, et même débutant (avancé), est justement de savoir effectuer les deux premières étapes : évaluation et décision. Ensuite, votre intuition, étayée par un jugement stratégique simple et solide, peut largement remplacer à ce niveau une profondeur de calcul vertigineuse. C’est le but de l’exercice !

On demandait un jour à Reti, célèbre champion d’échecs de la première moitié du XXe siècle :

– Combien de coups calculez-vous à l’avance ? 
– Un seul. 

 Je crois que nous y sommes.


Voici les deux pages d'évaluation de la position





À ce stade, le raisonnement stratégique est sain et la solution nous tend les bras, puisque P5+1 va s'avérer gagnant dans toutes les variantes. En avance, le joueur souhaite lancer l'attaque, et P5+1 est le coup d'attaque naturel. C'est le pendant du coup Ca1 de la partie d'échecs en défense ("en retard") présentée par Jonathan Rowson dans l'Episode VII : un coup naturel en application des principes de stratégie.

Maintenant, tout joueur d'échecs sérieux se doit de valider son "intuition" (où la stratégie et l'intuition ne forment qu'un...) par une analyse technique rigoureuse et exhaustive. La voici pour preuve. C'est ardu et fastidieux, mais techniquement nécessaire.








Illustration Ivan 'Kenby' Seisen


Et la lumière fut. Une fois encore, un raisonnement stratégique sain nous met sur la voie. Certes, il faut développer une lecture tactique très solide pour corroborer les "intuitions" stratégiques, mais au moins ont-elles le mérite de nous mettre sur la bonne voie. Car en effet :


Aucune tactique ne saurait rattraper une mauvaise évaluation,
un mauvais jugement ou une décision stratégique erronnée.







Marc-Antoine Nguyen


Liens








Sur la base de cette étude, Praxeo anime une conférence à l'AGILE TOUR 2012, à Paris le 20 novembre et à Montpellier le 29 novembre, sur le thème
"La stratégie du Product Owner".







[Stratégies] Épisode IX - Mikhaïl Tal







"Il y a deux sortes de sacrifices :
Les bons et les miens."

Mikhaïl Tal, champion du monde 1960


Mikhaïl Tal, alors champion du monde en titre, contre Bobby Fischer

Mikhaïl Tal (Lettonie, 1936-1992), a été champion du monde d’échecs en 1960, mais aussi champion du monde de blitz en 1988, devant Youssoupov, Tchernine, Vaganian, Kasparov et Karpov. Il est connu pour ses sacrifices spectaculaires. On le surnommait « le magicien de Riga ». Il fumait beaucoup et buvait tout autant.

« Il y a deux sortes de sacrifices : les bons, et les miens. »

Tal est parmi les joueurs d’échecs qui ont accepté avec enthousiasme les plus hauts niveaux d’incertitude, les plus grandes prises de risque, puisqu’il déclarait ironiquement lui-même qu’elles étaient souvent mal jouées ! C’est du moins l’impression qu’il voulait donner ; mal jouée d’après « un certain courant de pensée », comprendre en particulier « l’École Scientifique Soviétique ».

Il peut paraître étrange de mettre Mikhaïl Tal en avant dans un exposé sur la stratégie, puisque bon nombre de spécialistes des échecs s’accordent sur ses fantastiques capacités tactiques, par opposition, par exemple, à la doctrine positionnelle de l’École Scientifique Soviétique qu’il a affronté pour la course aux titres mondiaux. De ce point de vue, Botvinik eut sans doute été un meilleur représentant. Pourtant, j’insiste sur ce choix d’après la définition que je souhaite donner à la stratégie. La stratégie n’est pas le jeu positionnel (par opposition au jeu tactique, calculatoire). La stratégie est délibérément liée au processus de décision, et à l’acceptation du risque, risque dont les vecteurs par excellence aux échecs sont l’acceptation de hauts niveaux d’incertitude et le sacrifice.

Et sur ce plan, bon nombre de joueurs d’échecs cultivés me rejoindront sans doute : Tal a atteint des sommets vertigineux.

Tal sublime les qualités du bon stratège :

  • Courageux
  • Combattif
  • Créatif
  • Talentueux
  • Ingenieux
  • Perturbant
  • Attachant
  • Poète...

Bref, lorsque Tal part à l'attaque, il me rappelle ceci :

Plaquette Praxeo à l'Agile tour, Paris 2012

Pour aller plus loin voici les vingt plus beaux sacrifices de Mikhaïl Tal 

http://www.chessgames.com/perl/chesscollection?cid=1007969

Et enfin, pour la beauté du geste, la présentation d’un problème absolument monstrueux, résolu par Tal en une heure (il marchait, réfléchissant sans échiquier après avoir mémorisé la position), où Kasparov et Karpov ont renoncé ! À ce niveau, j’ai presque envie d’arrêter de réfléchir, voir d’arrêter la pratique les échecs, tellement le gouffre est abyssal. Contempler la beauté du geste. Lâcher la science, conserver la poésie.

What TAL solved but KASPAROV,KARPOV couldn't !! - Chess.com

Les joueurs de go et de shôgi doivent absolument voir cela. L'effoyable solution de Tal consiste à "sacrifier pour déformer", à deux reprises. Une fois que l'adversaire a adopté "une mauvaise forme", Tal entame un combinaison tactique venue de l'espace, où tous les coups ne sont même pas forcés !

À titre personnel, je trouve que Tal m'aide à mesurer l'étendue de mon ignorance et de ma nullité. Inutile d'évoquer une quelconque "marge de progrès" politiquement correcte.




Sur la base de cette étude, Praxeo anime une conférence à l'AGILE TOUR 2012, à Paris le 20 novembre et à Montpellier le 29 novembre, sur le thème
"La stratégie du Product Owner".







[Stratégies] Épisode VIII - La stratégie appliquée aux échecs (2)







En retard, il faut consolider.
Corollaire : en avance, j’attaque !


Application avec Max Euwe, champion du monde 1935


***

Attention, cet article peut vous donner envie
de vous remettre activement aux échecs, tellement c'est beau !

***


Alekhine - Euwe 1937

Partie Max Euwe – Salo Landau Amsterdam 1939


Défense Slave

Max Euwe a été le champion du monde
d’échecs en 1935. Joueur amateur (!!),
il a battu Alekhine à la surprise générale.

Voici une partie qui illustre son style.
Que vous inspire cette position ?
C’est aux blancs de jouer (coup 10).

Évaluation de position 

Aux échecs, l’évaluation d’une position se fait sur trois critères : matériel, temporel, spatial.

Les échecs en trois dimensions


Les noirs se sont développés correctement, les blancs aussi d’ailleurs.

  • Sur le plan matériel, le jeu est égal.
  • Sur le plan spatial, les blancs exercent un peu plus de pression au centre que les noirs. Mais il est difficile d’avancer plus loin.
  • Sur le plan temporel, les deux joueurs auront terminé leur développement dans un coup (nous sommes toujours dans l’ouverture !) : les blancs doivent développer leur fou noir, et les noirs doivent roquer. 

Alors ? La position est égale ?

Il est certain qu’un joueur de club standard (1800 Elo), et même beaucoup de joueurs nettement plus forts, concluraient à une position égale, et réfléchiraient à des coups tels que :

  • 10. Fd2 pour achever le développement suivi de 11. Te1 et 12. e5 
  • 10. Td1 
  • 10. Te1? … Ce4 
  • Ou même pour les milliers de lecteurs de Mon Système, 10. Ce2, par principe de surprotection des pions centraux. La prophylaxie chère à Aaron Nimzowitch. 
  • Des joueurs plus agressifs voient la menace sur le roi noir, mais concluent vite que le sacrifice 10. Fxe6 ne donne rien. 
  • Le vénéré Xavier Tartakover, qui a déclaré : « La stratégie consiste à savoir quoi faire lorsqu’il n’y a rien à faire », choisirait peut-être le coup de développement 10. Fd2, en application de son axiome que je trouve extrêmement douteux (réducteur et comme nous le verrons plus loin, applicable dans une et une seule configuration particulière). La stratégie, c’est beaucoup plus que ça. 
Et Max Euwe a le bon réflexe : sur la dimension temporelle, les deux coups manquants ne sont pas équivalents. Le roi blanc est bien à l’abri, le roi noir est au centre, posé comme un canard sur une mare. Alors, Max cherche quelque chose…

D’abord, il a le bon réflexe de chercher un coup agressif. En effet, il évalue qu’il possède un petit avantage dans cette position. Il a le trait et un roi à l’abri (avantage temporel), il a une bonne influence au centre et le roi adverse est justement au centre (avantage spatial). Joueur d’échecs, sa stratégie est simple : en avance, j’attaque ! Des coups comme Ce2 ou Td1, s’ils sont sains tactiquement (blanc conserve son petit avantage), s’avèrent des erreurs de stratégie, car nous allons voir que Blanc raterait un gain. Ce sont des coups pour une stratégie au jeu de go : « en avance, je consolide ! ».

  • Le joueur d’échecs en avance doit chercher à compliquer la position, attaquer, prendre des risques pour matérialiser un avantage positionnel en gain. 


On n’a pas dit que c’était facile. La stratégie est simple, les moyens tactiques de son exécution vont s’avérer très complexes. Mais c’est tellement beau !

Dans ces conditions, le premier coup devient assez facile à trouver… quand on sait ce que l’on cherche.



10. e4!     Fb6



Noir ne peut pas capturer ce pion : 10. … Cxe4? 11. Cxe4 Fxe4 12. Fxe6! fxe6 13. Dxe6+ est catastrophique pour Noir. Landau décide de reculer le fou en g6. Fg4 eu été meilleur, mais Landau ne craint pas le sacrifice Fxe6.

C’est aux blancs de jouer.

Si l’on reprend les mêmes critères d’évaluation de position, l’avantage spatial des blancs s’est accru, avec un beau contrôle du centre. Sa stratégie est donc d’attaquer. Malheureusement, il n’y a aucun coup évident. Votre avis ?

On pense au sacrifice 11. Fxe6, mais après 11. … fx6 12. Dxe6+ Fe7, l’attaque semble terminée, sans résultat tangible. Cette suite ne marche pas.

Voici comment Max Euwe raisonne à ce moment : Fxe6 est le seul coup d’attaque raisonnable, et aux échecs, une attaque commence souvent par un sacrifice (la fameuse exposition au risque pour plus de profit). Mais la suite est compliquée. Il ne se décourage pas, car stratégiquement, ce coup semble sain. Il trouve le coup suivant, difficile, puis engage finalement sans aucune garantie une suite complète de vingt-cinq coups qui l’amènent à la victoire !


11. Fxe6!!     fxe6 
12. a5! (figure)  Fxa5 (forcé)

Sinon, 12. … Dc7 13. Dxb4 rend le fou et la position noire est délabrée.
12. a5! est une belle déviation du fou noir qui l’empêche de venir protéger son roi : Dxe6+ Fe7.



12. …          Fxa5
13. Dxe6+   Rd8
14. e5          Te8
15. Dh3       Fxc3
16. exf6       Fb4
17. fxg7       Fd6
À ce stade, la compensation semble insuffisante pour le sacrifice mais Euwe continue brillamment.

À votre avis, quel est le prochain coup ? 

  • 18. Te1 
  • 18. Ce5 
  • 18. Fg5+



18. Ce5!      Fxe5
19. dxe5      Ff7
20. Td1       Fd5
21. e6!        Cf6
22. Fg5       Re7
23 Dc3       Abandon

Les variantes et les explications sont données sur ce site : (en espagnol, mais c’est assez facile à comprendre et on peut rejouer la partie) :

http://www.elpais.com/misc/ajedrez/6agosto12.htm 

Est-ce que Max Euwe a réellement calculé toutes les branches de sa suite vingt-cinq coups ? Il y a fort à parier que non. Et même si c’est possible dans certains cas (coups forcés), c’est totalement irréaliste ici. Au contraire, il a appliqué un raisonnement stratégique sain, la prise de risque dans une position d’avance, et accepté en conséquence un niveau d’incertitude abyssal.




  • Moins l’avance est tangible dans l’étape d’évaluation,
    plus le niveau d’incertitude sera grand. 
  • Pourtant, la décision reste saine. 


Dans cette partie, Max Euwe a pris des risques matériels (sacrifices), mais il ne s’est jamais mis en risque de mort subite : son roi est resté à l’abri pendant toute la partie. Il n’a jamais été mis en danger. C’est ce qui justifie sa prise de risque. En bon chef d’entreprise, il a engagé de lourds investissements, très risqués, mais sa trésorerie (son roi) a toujours été à l'abri.





Sur la base de cette étude, Praxeo anime une conférence à l'AGILE TOUR 2012, à Paris le 20 novembre et à Montpellier le 29 novembre, sur le thème
"La stratégie du Product Owner".







[Stratégies] Épisode VII - La stratégie appliquée aux échecs (1)







SYSTÈMES DE MORT SUBITE :
EN RETARD, JE CONSOLIDE


***


Cet article est accessible à tous les lecteurs, joueurs et non joueurs. 

Il évoque le fonctionnement et les blocages du cerveau humain. Il est riche d'enseignements.


***


Application aux échecs. Libre interprétation de mes lectures de The Seven Deadly Chess Sins, par le GMI écossais Jonathan Rowson, (c) Gambit.





Nous allons maintenant nous intéresser à la stratégie inverse. Nous sommes en retard. Et en retard, aux échecs, il faut consolider, assurer en priorité la défense du roi.

Naturellement, tout joueur d’échecs respectable objectera que le bon coup aux échecs ne se déduit que de l’analyse combinatoire, et que « l’approche globale » chère à quelques penseurs influents du XIXe siècle et début XXe est enterrée depuis longtemps. Très bien. À ces joueurs, je soumets le problème suivant.


Jansa – Bilek 

1968 


Trait aux blancs


Reprenons les Étapes du raisonnement stratégique (Épisode II)
La stratégie aux échecs et l'évalation d'une position s’établissent sur trois dimensions.

Dimension matérielle

Après avoir identifié la faiblesse du pion c2, un joueur médiocre peut conclure que l’échange en c2 de deux tours contre une dame et un pion est équivalent (5+5) = (9+1). Voici pour la dimension matérielle.

Dimension spatiale

L’équilibre matériel attire notre attention sur 1. hxg6 ou 1. Fd4. Observons le résultat.


Position après:


Fd4 Txc2 

Dxc2 Txc2 

Rxc2


Dans la position résultante, la dame noire bénéficie d’une formidable mobilité, menaçant le centre avec Dxe5, des coups d’initiative comme Dc4+, et la « septième rangée » en Dd2+, et ce sont toutes les lignes arrière blanches qui volent en éclat. Net avantage spatial dans tous les cas.

Dimension temporelle

La fin de la séquence choisie par les blancs est gote, pour reprendre un terme de go très précis : perte d’initiative. C’est aux noirs de jouer. Avantage temporel aux noirs également.

La bonne stratégie dans un système de mort subite 

Fd4 ou hxg6 ne donnent rien et sont même perdants, Rowson en fournit la démonstration dans son traité.

Formidable. Mais quelle analyse combinatoire peut-elle offrir la solution ? Voyez-vous d’autres coups ? Cette position est extraite de Seven Sins, Les sept péchés capitaux aux échecs, de Jonathan Rowson, chapitre sur l’égo. Le GMI écossais nous met en garde : notre égo nous aveugle et nous empêche de trouver le bon coup. Très bien, mais où chercher ? Comment raisonner ?

Je pense que nous avons ici un exemple parfait d’une application simple de la stratégie « telle que je l’entends ». Puisque notre ego semble nous aveugler et qu’aucune combinatoire évidente ne saute aux yeux, même après une longue réflexion, réfléchissons à cet adage que je martèle sans cesse :

  • Les échecs sont un système de mort subite.
  • Dans un système de mort subite, celui qui est en retard doit consolider, assurer la défense du roi en priorité.
  • Ici, les blancs accusent assez clairement un retard positionnel
    (spatial et temporel, d’après la petite analyse qui précède). 
Tc1 : consolidation « intuitive »
Dans ces conditions, beaucoup de joueurs d’échecs résignés par la réfutation des suites Fd4 ou hxg6 penseront peut-être à Tc1. Très bien, on consolide. Malheureusement, on y perd deux tempos. Tcd1 après le roque suivi maintenant de Tdc1 : pas glorieux, et la tour blanche est très bien placée sur la colonne d. Bref, Tc1 est horriblement passif et n’aboutira à rien de bon. Rowson fournit sa propre analyse de Tc1 dans son livre, qui conduit à un très net avantage noir.

Cd4 : la fuite en avant 
Tentant, mais réfuté par 1. Cd4 Dxd5 2. Cf5 Dxd2 3. Cxe7+ Rf8 et les noirs gagnent.

La solution… évidente

  • Eh bien nous y sommes : il n’a plus qu’à défendre le roi, et pour cela, il n’existe qu’un seul coup.
    Le fameux coup que notre ego nous empêche de voir d’après Rowson.


Ca1


Contrairement à l’auteur dans son merveilleux traité, je ne mets pas de point d’exclamation (pour identifier est très bon coup) sur Ca1, car en application de notre principe fondamental de la stratégie, Ca1 devient non seulement un coup naturel, mais en plus, c’est le seul. C’était donc un problème très facile.

Attention, je n’ai pas affirmé que nous avons trouvé la solution, ni résolu le problème : il faut vraiment valider ce choix par une analyse combinatoire complète, que Rowson fournit dans Seven Sins et montre que 1. … e6 et 1. .. Fe5, les deux réponses noires envisageables, aboutissent inexorablement à la victoire des blancs. Non seulement Ca1 est le seul coup qui ne soit pas perdant, mais ce n'est pas un coup timide : Rowson démontre qu'il est gagnant et fournit l'intégralité de la combinaison. Affranchis de l'épée de Damoclès qui pèse sur leur roi, les blancs peuvent reprendre l'initiative, dont ils feront bon usage.



Conclusion

Avec un raisonnement purement "stratégique", réducteur il est vrai mais pas "simpliste", nous n'avons pas vraiment résolu le problème; en revanche, nous identifié facilement le bon coup, très facilement même, dans une position où, je rejoins Jonathan Rowson :

Notre cerveau est bloqué par notre ego et refuse Ca1.
Il ne l’envisage même pas.







Sur la base de cette étude, Praxeo anime une conférence à l'AGILE TOUR 2012, à Paris le 20 novembre et à Montpellier le 29 novembre, sur le thème
"La stratégie du Product Owner".